Philosophie de vie
Passionné
Selon moi, la passion c'est l'absence de pourquoi et l'oubli de soi ! En effet, quand on est plongé dans l'activité qui nous nourrit, nous ne nous posons pas la question du sens, nous sommes dans le "flow" et nous sommes à notre place. Redonner plus d'espace à cette manière d'être n'est pas aisé car nous avons appris à nous adonner à des tâches pour une finalité, pour un fruit : de l'argent, des notes, des félicitations, une renommée, de l'amour, un statut social et j'en passe. Cheminer dans son art, sans attentes, faire la chose pour elle-même, l'action sans le fruit, permet de rendre sa passion inconditionnelle, plus forte et plus durable ! C'est ce qui m'a poussé à m'intéresser à de nombreux domaines, de manière autodidacte surtout, à l'instar de l'étude des mousses (Bryologie) ou des lichens (Lichénologie), mondes minuscules trop souvent négligés et maltraités.
Caractère éclectique
Le fameux débat entre hyperspécialisation ou polyvalence ? Illusoire ! Les frontières doivent tomber. Selon moi, ce sont des vues d'esprit et il est essentiel d'être polyvalent, complet, de mélanger les savoirs, de sauter d'un domaine à l'autre, sans se perdre dans un système et sans être totalement dépassé dans d'autres. Surtout dans la passion de la nature, il existe des phases, des saisons et l'apprentissage est ainsi en spirale.
Mon approche qui me plait et me stimule : réunir en soi autant des connaissances théoriques diverses que la mycologie, la botanique, la lichénologie avec la philosophie, la poésie, la médecine ainsi que savoir changer de casquette au quotidien en s'alignant un jour sur une énergie plus intellectuelle et naturaliste, d'autres jours laisser parler l'aventurier en soi ou encore chercher la solitude et le rapport bestial au monde ! La biodiversité est aussi intérieure !
Vers une "science naturaliste spirituelle"
Quand on s'intéresse à la nature et à l'altérité biologique (autres organismes vivants), il va de soi que l'on pense à identification, biologie, classification, nomenclature latine linnéenne, bref... à une approche scientifique et naturaliste. Ce sont des outils qui nous aident à avancer plus vite dans la reconnaissance mais comme souvent, il ne faut pas confondre outil et processus ! La vraie joie de la connexion au vivant réside dans l'observation et le contact avec les autres formes de vie sans passer par les outils intellectuels ou plutôt en les dépassant et en les considérant pour ce qu'il sont. Ainsi, avec le temps, j'ai donc remarqué qu'un état d'esprit "méditatif", impliquant, entre autres, lenteur et réceptivité, étaient des conditions nécessaires et quasiment sine qua non à ce chemin de retour vers le sauvage et surtout à y trouver du sens ! Une certaine spiritualité impliquant un calme mental est par conséquent, en tout cas pour moi, indissociable à l'attitude naturaliste et à notre rapport à la nature.
Les "dangers" sinon, que nous connaissons tous, sont multiples : aller trop vite autant comportementalement que mentalement et ne pas percevoir la magie environnante, faire prévaloir le nom, la classification sur le processus vivant immédiat, boulimie du savoir ou pire, considérer les autres organismes comme des objets et la nature comme un terrain de jeu ! Pour cela, quelques pistes simples avant les promenades ou les observations : prendre le temps, ne rien faire, observer ce qu'il se passe en soi et en dehors, méditer sur l'aspect infiniment précieux de la vie....
Mes inspirations
Baptiste Morizot, philosophe, qui ne se contente pas de rester dans un monde idéaliste fermé sur lui-même mais qui s'intéresse d'une belle manière au vivant, aussi d'une manière empirique et vécue, et à la place de l'humain en son sein. Ses livres "Manières d'être vivant" ou "Sur la piste animale" sont intéressants, surprenants et poétiques. J'aime cette cohabitation entre savoirs scientifiques, réflexions et poésie.
Henry David Thoreau, que l'on pourrait aussi classer comme philosophe et naturaliste, est une source d'inspiration qui traverse les âges. Ayant inspiré entre autres Gandhi et Martin Luther King, par sa désobéissance civile (refus de payer des impôts qui servent à la guerre) et la force de ses convictions, il me parait incorporer l'éclectisme : étude de la nature qui l'environne, sensibilité au subtil du vivant, philosophe, maraîcher, ermite mais engagé socialement.
Jean Henry Fabre, l'entomologiste et naturaliste célèbre qui, malgré tout son savoir ou à cause de lui plutôt, chérissait le mystère de la vie, maitrisait l'art de retranscrire ses observations en œuvres d'art (peinture et poésie) et qui s'opposait à une classification morphologique (il privilégiait le comportement) et à un académisme sec et froid.
Alan Watts, penseur original empreint de sagesses orientales, qui insistait sur la spontanéité de la vie et qui, à la manière de la tradition zen, semblait en paix avec lui-même et la nature. Retrouver une attitude spontanée (ou plutôt perdre l'illusion du contrôle) et légère permet de s'ouvrir au vivant et de sortir d'un anthropocentrisme trop présent.
Krishnamurti, penseur indien inclassable et terriblement étonnant, fut un coup de cœur. Un des piliers de sa pensée a été de libérer l'humain des pièges des dogmes, de l'autorité, du passé, des schémas et des systèmes créés par la pensée humaine, ce qui permet, entre autres, d'avoir l'esprit calme, libre et disponible à la beauté du monde et de la nature.